Lire
l'étude de Louis MORES (Habay), étudiant à l'UCL, à propos
de ce livre : le flipbook...
[...]
— Oscar,
voulez-vous raconter une journée de vos vacances à vos
camarades de classe. Exceptionnellement, je tolérerai
quelques mots de patois dans votre récit, puisque c’est de
campagne qu’il s’agit.
— Vous savez, Monsieur le Maître, j’ai
passé de drôles de vacances d’été. Une chute m’a valu assez
vite d’être cloué à la mâjon après une hospitalisâtion...
— Ah
bon? Euh... Ah oui, je me souviens. Mais votre expérience
peut probablement être d’un intérêt tout particulier pour
vos camarades qui ne savent rien de ce que représente un
hôpital pour qui n’y passe pas en simple visiteur... Et
puis, votre histoire n’est pas vraiment banale, je crois,
mon garçon...
— Bien, Monsieur le Maître.
Das la classe, c’est
d’jà les sourires moqueurs et les quolibets lancis sas la
moind’ vergougne. El Drolle les è oï, mâs i n’brontch mi.
L’Doquet non pus.
— Chez moi, c’est une ferme. Pendant
les vacances, on travaille beaucoup, mais ce n’est pas
désagréable. Que ce soit soigner les bêtes ou rentrer le
foin, la paille ou battre le blé, c’est toujours in plâgi.
— Sans doute faudrait-il se laver
plus souvent!
Ça, c’est l’gachon
don notaire, el nèveû don dèputé. Toute la classe rigole à
plî treu. El Doquet s’est r’toûné pou engueuler l’çoune
qu’avout causé, mâs quand i-l è vû qu’ c’ atout l’Alfred,
i-l è fât l’gros dos èt n’è soûlmat rin osu dère. I s’ è
r’toûné don coté d’ l’estrade sas rin dère, èt il è fât
signe à l’Oscar qu’i p’lout continuer.
—
L’exercice, ça permet aussi de garder un tour de taille
normal, un poids convenable.
Là, l’Alfred è
tiqué. El mâte allout s’dègrougni pou n’ mi
lâyi dècalander l’pauve afant don notaire, nèveû don
dèputé, mâs l’Oscar è atu pus vite què lu.
— On
travaille aussi les produits naturels, on fabrique la crème
qu’on extrait du lait, on garde le petit-lait pour les
bêtes, on fait le beurre pour la ferme et quelques amis, on
s’occupe au jardin à la récolte des courgettes...
—
Juste des légumineuses qui n’apportent rien et sont bonnes
pour les petites gens...
—
Èt qui n’baillant pont d’grache èt fayant qu’on n’è pont
d’mau pou lès l’çons d’ gymnastique.
— Oscar, votre langage!,
dit l’instituteur qui n’a, semble-t-il, pas vraiment
compris.
L’alfred bav’ dè radge. I s’è l’vé èt va coumaci à
s’dègrougni mâs, co c’côp-ci, l’Oscar èst l’pus rapide...
— Tous
ces travaux au grand air ont un effet important sur la
santé, tout comme cette nourriture qui sort directement de
la nature, sans engrais chimiques, sans tripotages dans les
abattoirs, boucheries, chez les marchands de légumes,
traitée pour durer un peu plus longtemps.
— Oscar, c’est
très bien, tout cela, mais cela nous éloigne de vos vacances
et de votre... accident.
— Mais, Monsieur le
Maître, le travail de la terre, les travaux des champs,
couper et rentrer le foin, battre le blé et rentrer la
paille, c’est ça, mes vacances. L’accident n’en est qu’un
petit détail. Mais c’est vrai que je devais aller quelques
jours à la Mer du Nord chez des amis. N’ai pas pu à cause de
la chute.
— C’est ça, que la
mer a été moins polluée cette année.
— On dit
qu’elle a manqué de déborder parce que des plus gros que moi
y ont plongé.
El mâte
d’icole n’è rin vû arriver. L’Alfred è voré su l’Oscar, el
pougne en avant èt l’Oscar, mi pus béte qu’in aute, s’è lâyi
n’aller su l’coté èt l’gros morveux s’est ramujlé, la
margoulette la preumière, das la tcharbounnière qui s’est
ravûchi.
Coume si gn’avout
rin eû, el Drolle, pâjèle, allout r’coumaci s-n’esposé, mâs
l’mâte, èchôré, voyout d’jà l’notaire èt l’dèputé lî tchûr
su la gaffe pou l’fâre muter...
— Ça
suffit! Oscar, retournez à votre place. Vous aurez deux
mauvais points! Alfred, mon enfant, relevez-vous, tout va
aller bien, vous allez voir. Venez que je vous aide à
éliminer ces traces noires de vos mains et de votre visage.
— Je le
démolirai, ce péquenot, je lui f’rai avaler toutes ses
dents!
El Graudot breule à
tchoûlant coume in dâbau. El mâte el dèbarbouille èt li
frotte la tch’mije mâs i n’sarout ravoir tafât. I s’dèmalote
èt i trabèle coume ène feuille rin qu’à l’idée dè c’ qui va
lî arriver. Coume dè bin entendu, tout’ la classe è ramassi
l’fou rire...
L’Oscar, lu, dèmore
pâjèle èt s’est rassi à sa place. Coume i n’ è rin fât, in
n’ sondge mi soûlma qu’on poûrout l’ puni. I s’ dèmande d’jà
pouquoi c’ qu’ el mâte li baille deux mauvés points. Èt i
n’sais coumat c’ qu’ i va dère ça à la mâjon.
C’est la clotche qui sauv’
la situâtion. El mâte è co trop emberlificoté das ses loques
à nèttir l’Alfred pou r’mète dè l’oûrde dans les rangs qui
soûrtant pèle mèle.
Eune tchance : on
atout venr’di. On n’vènout m’ à l’icole ès samdi-là pasqu’on
arrivout au preumi nôvembe èt qu’on qu’on avout condgi l’
lundi aveu.
* * * * * *
[...]
*
* * * * *
I
sant ratrés à l’icole
La clotche
avout profité des plauves pour s’aroûyi èt l’Doquet avout eû
bî y mette toutes ses foûrces, i n’è sû la fâre aller. Il è
fât coume das l’bon vî taps : i-l è tapé das ses mîs.
— Alfred
Graudot et Oscar Glanbire, voulez-vous venir sur
l’estrade...
Les deux
gamins s’dèmandant bin c’ qui lous î veut. Mâs coume i sant
dèv’nu copains, i-s avançant l’ink à coté d’l’aute.
— Il semblerait,
Messieurs, que les choses se soient arrangées entre vous au
cours de ce bref congé. Voulez-vous dire à vos petits
camarades comment vous vous considérez à présent...
L’Alfred è bin
comprins. L’Oscar fât crance d’avoir saisi c’ què l’mâte
dijout. L’Alfred è bin vû ça, èt i cause el premi.
— Eh bien,
c’est simple. Tout le monde avait bien vu et entendu que
j’avais été, disons, désagréable envers Oscar. J’avais peur
de me faire gronder à la maison, alors j’ai laissé accuser
Oscar. Mais ma mère a voulu entendre les deux parties...
— Alfred
veut dire – vous savez que son papa est notaire et utilise
donc régulièrement les mots des lois – que sa mère a tenu à
entendre aussi Oscar avant de décider de qui avait raison ou
tort...
— C’est ça.
J’ai admis tout de suite que j’avais provoqué Oscar. Je
croyais que j’étais plus que lui parce que mon papa avait un
métier important. Mais tout s’est bien terminé, et Oscar a
accepté de faire la paix et de devenir mon ami.
I gn’è
deux-trois holis qui shoufflant da zou doigts. El mâte les y
baille in mauvé point. L’Oscar tad’ la mî à l’Alfred. El
Doquet lî d’mande dè dère in mot.
— Je suis
content. Dans ma famille, on a toujours voulu que la vérité
soit dite, même quand elle n’est pas belle. L’Alfred a bien
voulu qu’on soit amis, et j’en suis vraiment heureux. Il a
dit que riches ou pauvres, on est tous des enfants et qu’on
doit bien s’entendre, que c’est mieux que de se détester ou
de se battre.
—
Les enfants, voilà une bonne leçon. Il faut la retenir. Il
nous reste un mois avant que le grand Saint ne nous rende
visite. Vous savez que la tradition est de lui offrir un
spectacle! Nous allons donc y travailler dès aujourd’hui.
On arout dû
photographier toutes les margoulettes des
afants : si l’taps fayout grîje mine, el sèlo
atout pa d’tavau dans la classe. In afant è d’mandé :
— On fârè don théâte?
— Allons, allons, Gaston,
je suis très content de votre enthousiasme à tous, mais s’il
vous plaît, restons dignes et parlons français!
—
Et
si on lui offrait une petite pièce en patois?
— Vous n’y songez pas!
— Ah?
Dommage. Il aurait bien rigolé!
— Bon,
écoutez, j’en parlerai et nous déciderons demain.
— Merci, m’sieur
l’Maître.
El Doquet satout bin
qu’la haute èt la populace, das les p’tits villadges,
n’atint djamâs si lon l’eune dè l’aute. Don coté des gosses
en tout cas. Mâs les parats qui baillint des sous pou les
fîtes, cè n’atout m’souvat des p’tites dgens... Èt les
pèteux d’la haute, coumat c’ qu’i-s allint rèadgi si on loûs
î foutout don patois...
El lond’mî, el mâte
a n’avout causé à la direction et aveu deux trois dgens d’
la boune socièté. I trouvint ça in pau vulgaire,
mâs i-s avant dit presque tourtous qu’ ç’atout eune boune
idée. El mâte, lu, avout bin comprins qu’ç’atout djusse pou
s’foute tranquil’mat dès rabourous èt des p’tites dgens.
—
Les enfants, je crois que nous pourrons jouer une saynette
en patois gaumais pour la fête de Saint Nicolas. Qui a envie
de jouer? Allons, l’idée vient de vous, n’est-ce pas?
— Moi, j’aimerais bien, m’sieur.
— Très bien, Oscar. Qui d’autre?
— Dj’îmerous bien aussi, Mossieur
l’Méte...
—
Alfred, il faudra que vous preniez quelques leçons auprès de
votre ami Oscar, votre gaumais laisse un peu à désirer.
— On
pourrait faire une petite pièce où un enfant voudrait bien
parler le patois et se trompe souvent, ce serait comique...
—
Voilà
encore une bonne idée, Gaston. Je vais écrire cette petite
pièce dès ce soir.
— Vous, Monsieur Doquet?
C’atout l’Édouard,
el Gachon d’l’avocat Bîrette qui v’nout d’causer. Il atout
abaûbi d’appenre què l’mâte d’icole coun’chout l’patois. Èt
i n’atout m’ tout seûl...
— Je suis gaumais, moi
aussi, Édouard. Et si l’instruction publique me commande
d’enseigner en français, elle ne m’interdit pas de bien
connaître notre patois. Même si je dois vous forcer à ne
parler que français en classe.
— Ben ça, alors!
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