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LA COMPLAINTE DE LA LUNE
Je voudrais bien savoir, grands puissants de la terre
Si mon influence vous a si mal «lunés»?
Dites bien franchement, afin que je m’éclaire
Quel sentiment vous guide. Pourquoi me détrôner?
Ne suis-je pas pour vous la plus sage planète?
L’admirable trésor de chacune des nuits.
Par vos rivalités, vous guignez ma conquête.
Vouloir me décrocher serait vrai aujourd’hui?
Terriens qui m’envoyez vos foudres atomiques
C’est à vous de trembler d’aussi cruels desseins.
Vos projets, noirs, hautains, ne sont que lunatiques
Attention au désastre, je ne réponds de rien.
J’ai de petits défauts, mais d’assez grands mérites.
Peintres et poêtes m’ont rendu tout honneur.
N’ont-ils pas célébré de votre satellite
Les rayons dans la nuit, éclat de ma splendeur.
Quand d’heureux amoureux sous mes yeux se promènent;
Quand je guide le soir, l’attardé, au labeur;
Quand je braque mes phares sur campeurs dans la plaine
Quand j’invite à chanter grive et merle siffleur.
Ainsi toutes les nuits, sur la terre je veille
Et je souris souvent en sondant les recoins;
Jusqu’au jour où chacun, reposé, se réveille,
En vous criant «bonjour» doucement je m’éteins.
On me croit coupable de roussir jeunes pousses.
Réfutez-en l’erreur, oui, pour l’amour du ciel;
Cessez de m’offenser en m’appelant «la rousse»
Mon vrai nom, le plus tendre c’est «La lune de miel»
Celui de tout bonheur, attribut de ma grâce
Amour et charité que je mets dans les cœurs.
A votre tour, savants, pour le bienfait des races;
Usez, énergie, sciences, et servent vos sueurs
A dorer le blason de l’amour fraternel
Plutôt qu’à l’ambition de dévorer le ciel.
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